mardi 15 janvier 2008

Artelier n°1 "Médiation du design" (suite)

  • Claire Azéma, Imagine, Université de Bordeaux "Dialogue designer-usager : l'usager en projet"
  • Tatiana Bouzdine Chameva BEM Management School, et Alain Ferrand CEREGE Université de Poitiers, " Un produit nouveau pour une marque existente : l'analyse d'interaction des champs sémantiques d'une perspective cognitive à travers la carthographie causale"
  • Régine Charvet Pello et Louise Bonnamy RCP Design Global et Jean Bassereau CPI, ENSAM, Paris Tech
  • Frédérique Houssard-Andrieux Airbus SAS Central Entity et Céline Caumon IUP Couleur, Image, Design, Toulouse 2, "Du technocentré a l'anthocentré dans le design. Comment le sensoriel et les tendances participent au comportement de l'industriel et l'usager dans la notion de cabine ?"

Dialogue designer-usager : l’usager en projet.

Claire Azéma, Imagines, Université de Bordeaux

Notre présentation aborde le thème de la relation usager-designer au sein du projet et de son produit. Dans un premier temps, comparant le bînome production-consommation au bînome écriture-lecture (de Certeau, 1990), nous interrogeons la possibilité de l’existence d’un usager en projet. Tou d’abord, celui-ci apparaît soumis aux messages de la sphère de production et bien que développant des comportements créatifs dans son interprétation de l’objet, il n’est pas en projet. Dans un second temps, observant que les sphères de production et de consommation sont de plus en plus souvent appareillées à l’identique (Stiegler, 2006), le statut de l’usager peut évoluer vers un statut de producteur amateur. Dans cette seconde partie nous présentons différents cas d’usagers en projet rassemblés en trois types : le projet associatif d’usagers, le projet participatif et le projet dialogique. Chacun de ces trois type correspond à un déplacement des terrains du projet et de l’usage.

Usager, designer, intersubjectivité, projet, « bricolage »


Le thème du sujet dans le design interroge sur la place de l’individu concepteur, producteur, distributeur ou usager au sein de la chaîne de conception, réalisation, commercialisation et d’usage d’un produit.
Le sujet ne se réduit pas à l’individu, il comprend également la transindividualité qui permet de parler d’intersubjectivité à propos des relations qu’entretiennent les sujets en eux. Le sujet recentre donc notre attention sur la personne dans le domaine du design. Nous considérons d’emblée qu’il est plus intéressant d’envisager la question de la relation intersubjective au sein du design, comme une question fondamentale de la discipline. Nous pouvons évoquer brièvement 3 types d’intersubjectivité autour d’un produit de design. Tout d’abord, au niveau inter-usagers : les objets construisent, accompagnent et donnent un cadre à toutes les relations quotidiennes que nous entretenons avec les autres. L’objet y tient donc un rôle de médium, voire d’interface au sein de ces relations, le designer peut ainsi être considéré comme concepteur de média relationnels. Deuxièmement, au niveau de la relation designer-usager : l’objet médiateur entre deux sujets se présente comme un discours du designer vers l’usager et interroge la question du langage. Les questions de la réceptivité de l’information et des soumissions de l’usager aux messages dominants imposés par la société de consommation se présentent d’elles-mêmes. Enfin, le dernier type d’intersubjectivité concerne celle du projet lui-même. Dans cette phase de conception, lieu « propre » d’élaboration du produit, le designer entre en relation avec les autres acteurs du projet : commanditaire, fabricants, financiers, commerciaux, usagers. Ici, l’intersubjectivité implique la confrontation des points de vue de chaque spécialiste. Chaque acteur possédant ses outils d’analyse et d’exécution doit alors comprendre le point de vue de l’autre et l’intégrer au projet commun. L’enjeu est de taille.
Nous voyons rapidement que la question de l’intersubjectivité est intrinsèque au design et de ce point de vue, le produit semble devenir un élément secondaire du projet. Il nous semble plus particulièrement riche d’interroger l’intersubjectivité de la relation usager-designer existant au sein du projet et de son produit. Nous avons, depuis notre thèse, choisi de nous intéresser à la valeur créatrice de l’usage des objets ; nous souhaiterions aujourd’hui envisager la question d’un usager en projet. L’usager, consommateur et utilisateur du produit apparaît dans les schémas « classiques » du design comme le récepteur d’un produit fini, issu d’un processus de conception que l’on nomme projet de design. Le projet révèle une intention et une recherche, une élaboration de plans et de moyens pour la réaliser.

Peut-on aujourd’hui considérer dans le design un usager en projet ? Nous verrons que cette idée recoupe différents cas de figure propres au design contemporain. Quelles relations peut-on envisager entre un usager en projet et un designer en projet ? Leurs projets sont-ils similaires ? En quoi est-il souhaitable et réaliste pour le design actuel de penser un usager de ce type ?

La prédominance de la focale choisie nous conduira dans un premier temps à évoquer l’importance du langage dans le design. La maîtrise du langage culturel apparaît comme garante d’une bonne réception du produit par l’usager. Cette approche linguisitique sera l’occasion de comprendre qu’un usager entendu comme simple récepteur du produit, c’est-à-dire simple lecteur d’un message émis, ne peut constituer la voie d’un usager en projet, à moins que la lecture constitue un projet en soi. Quelle serait-alors la nature d’un usager en projet ? Nous tâcherons, dans un second temps, de donner des exemples observables d’usagers en projet, de montrer comment une telle réflexion conduit à envisager une dynamique de l’usager, ainsi qu’à repenser les terrains du projet et de l’usage.

Un produit nouveau pour une marque existante: l'analyse d'interaction des champs sémantiques d'une perspective cognitiviste à travers la cartographie

Tatiana BOUZDINE-CHAMEEVA, Bordeaux Ecole de Management
Alain FERRAND, Université de Poitiers (CEREGE)


« Le goût est la faculté de juger d'un objet ou d'une représentation par une satisfaction dégagée de tout intérêt..."
(Kant, Critique du jugement.)

D’un point de vue marketing, le design du produit permet de créer un avantage concurrentiel agissant à la fois sur la perception, la préférence et l’achat des produits associés. Un modèle de la mémoire de réseau associatif considère que la connaissance est constituée par un ensemble de nœuds possédant des liens qui varient en direction et en intensité. Nous défendons l’hypothèse que les consommateurs ont élaborés des schémas mentaux relatif aux marques au sein desquels le design constitue un noyau central dans l’activation des associations au niveau cognitif (image), affectif (attitude) et comportemental (achat).

Design, KANSEI, marque, carte cognitive.


Une démarche classique de conception de nouveaux produits est plutôt une démarche prescriptive qui part d’une définition préalable du besoin, le cahier des charges, et qui amène le concepteur à rechercher à l’avance quels sont les performances attendues pour le futur produit, et a prescrire à priori des niveaux selon des critères d’évaluation. Il convient de distinguer la partie objective du besoin (e.g. puissance maxi, durée de vie,…) qui est indépendante de l’utilisateur, et la subjective (e.g. l’esthétique, le confort...), qui est liée aux perceptions. Nous nous intéressons à cette partie subjective pour laquelle la démarche prescriptive est plus difficile à mettre en œuvre.

Le principe du KANSEI engineering au Japon (Japanese: 感性工学 kansei kougaku, sense engineering), proposé par professeur Mitsuo Nagamachi de l'Université de Hiroshima dans les années 1970 s’inscrit dans cette démarche car il se focalise sur la possibilité de capter et "mesurer" les sentiments, les émotions des utilisateurs et il définit les liens entre certaines caractéristiques subjectives du nouveau produit qui ensuite peuvent être mis en avant dans le design.
L'article comprend trois parties. La première partie décrit la notion de design d'un point de vue de marketing et détaille les principes d'un modèle basé sur le réseau d’associations relatif à une marque présent dans la mémoire des consommateurs. La deuxième partie décrit les principales étapes de la méthodologie de la cartographie cognitive utilisée, ainsi que les modalités pratiques de sa mise en œuvre pour la conception d'une carte collective. La troisième partie présente une étude de cas relative à la marque Adidas. Celle-ci confirme l’hypothèse que les consommateurs ont élaborés des schémas mentaux concernant cette marque au sein desquels le design constitue un noyau central lors de l’activation des associations quelle soit de nature cognitive (image), affective (attitude positive) ou comportementale (achat).

Le design sensoriel comme moteur

Régine Charvet Pello, PDG, RCP Design Global,
Jean-François BASSEREAU, Professeur associé, Laboratoire CPI, ENSAM, CER Paris, Chercheur RCP Design global,
jean-francois.bassereau@paris.ensam.fr, Louise Bonnamy, RCP Design Global

Le design dispose de peu d’instruments méthodologiques permettant d’expliciter sa démarche, la rendant ainsi difficilement agrégeable à d’autres approches de conception. Pas non plus de techniques propres à l’évaluation des résultats du travail de design. Pourtant, sa revendication d’avocat du consommateur impose au designer de démontrer une certaine représentativité de l’individu. L’évaluation sensorielle fournit une approche méthodique pertinente. Ainsi, dans les étapes de celle-ci, on convoque des outils de travail collaboratif, facilitant le dialogue avec les autres métiers de la conception, en représentant le point de vue du design, tout en garantissant la maîtrise des aspects perceptibles d’un objet à concevoir. La généalogie d’objets représente valablement les référents qui conduisent au processus d’identification de tout objet, la micro psychologie permet de représenter des aspects expérientiels de l’usage dans une alternative phénoménologique à une approche ergonomique. De nombreuses représentations intermédiaires sur le chemin de la matérialisation de l’objet futur permettent le design du sensoriel, pour que ce qui soit perçu en premier d’un objet nouveau ne soit pas conçu en dernier.

design, évaluation sensorielle orientée conception, micro psychologie, généalogie d’objets,

Définitions du design industriel
« Le design sera industriel ou ne sera pas»
P. Le Quément,
Directeur du Design Renault
Paris, La Défense Mai (1994)

Il est de coutume de débuter une présentation du design par sa définition officielle. " Le design est une activité créatrice dont le but est de déterminer les qualités formelles des objets produits industriellement". Par qualités formelles, on ne doit pas seulement entendre les caractéristiques extérieures, mais surtout les relations structurelles et fonctionnelles qui font de l’objet une unité cohérente ».

Plus récemment, les pratiques du design s’étant stabilisées entre agences de prestation de service et structures intégrées aux entreprises, on peut citer l’une d’entre elles, pionnières dans l’intégration du design à un niveau global, qui nous livre sa définition.
« De formation artistique et technique le designer a, dans une entreprise comme Renault, la responsabilité de tout ce que perçoit le consommateur ».
Revendiquer cette responsabilité reste un défi ; d’autant plus lorsque l’on connaît la prédominance des aspects visuels présents dans le processus de Conception. La perception du consommateur ne serait que visuelle ? Le design sensoriel est prêt à prouver le contraire et rendre possible la revendication d’avocat du consommateur.

Entre création et conception
La pratique du design industriel se trouve aux confins de la création, de l’invention et de la conception d’objets. La création se retrouve être un terme utilisé dans les métiers de la mode (créateur de modes). « Créer » est, tout à la fois, un terme quasiment romantique (en tout cas « magique ») et individualiste.

Le design apparaît comme une synthèse entre création et invention. Le designer industriel conserve très fortement ancré cet aspect individualiste dans sa pratique qui convient davantage à la conception d’objets simples, sans mécanismes complexes, ni technologies à intégrer. Ce qu’un homme seul, peut maîtriser du produit y compris dans ses contraintes de fabrication, un designer industriel peut revendiquer cette maîtrise avec une volonté affirmée de donner du sens au produit conçu.
Quand la conception de produits échappe à un individu seul, le designer industriel revendique plus ou moins arbitrairement ce rôle d’avocat du consommateur.

Du technocentré à l’anthropocentré dans le design

Comment le sensoriel et les tendances participent au comportement de l’industriel et l’usager dans la notion de cabine ?

Frédérique Houssard-Andrieux, Airbus SAS Central Entity
Céline Caumon, IUP Couleur, Image, Design, Toulouse 2


En partant de notions largement usitées dans la consommation, la réflexion nous mènera sur les traces du voyage et du bien-être. Alors que le consommateur semble passif face à la logique de l’offre et de la demande, la recherche appliquée à l’industrie tente de regrouper divers champs disciplinaires pour comprendre les «manières de consommer» l’espace. Déplaçant les lieux communs, l’industrie aéronautique développe des projets sensoriels autour du bien-être. S’appropriant le concept de cabine d’avion, les arts de vivre s’ouvrent aux architectures du voyage. Point commun, le design sensoriel est un lien durable dans la conception de projet censé et innovant.

Design-innovation, co-conception, voyage, bien-être, cabine, sensoriel

De plus en plus d’envies dans un monde en mouvement qui accélère et se virtualise, incitent nos sociétés modernes à fabriquer des paradis artificiels construits avec les objets qui nous font plaisir, par leurs couleurs, leurs touchers, leurs sons ou leurs odeurs. Ce sont ces petits univers que l’on veut (re)produire autour de soi, pour se rassurer mais aussi se divertir par crainte du quotidien. Pourquoi consomme t-on un objet ou un lieu ? Pourquoi désirer toujours du nouveau, partir en voyage, aller plus loin ? L’individu hyper moderne manifeste un appétit de renouvellement qui traduit une montée de sa soif de plaisirs mais aussi une angoisse de se fossiliser. L’homme s’ouvre aux autres tout en se recentrant sur lui-même. Il soigne sa personne ou s’approprie des univers «trendy», conditionné par nos sociétés «hyper modernes» prônant les phénomènes de mode ou la jeunesse éternelle.

Nouvelles préoccupations humaines, la beauté, l’équilibre ou le bien-être s’illustrent tant par les habitudes ou «art de vivre» au quotidien que dans l’intérêt porté aujourd’hui aux produits issus de l’agriculture biologique, du marché équitable ou du recyclé. Ce climat complexe et paradoxal est une source d’inspiration et de création à tous les niveaux et dans tous les métiers. Il pousse les différentes disciplines à se retrouver, à s’organiser et à entreprendre des projets communs pour des buts communs. L’association parfois contradictoire à première vue de ces entreprises permet d’amorcer des réflexions plus profondes sur la marche du monde grâce aux points de vue divergents et aux propres expériences vécues par chaque partenaires.

Le design regroupant dans sa définition l’esthétique et la fonction, intéresse naturellement des domaines aussi variés et différents que ceux du designer, du chercheur ou de l’ingénieur. En revanche, le design sensoriel tel qu'il est appréhendé dans l’aéronautique, c’est-à-dire à travers les éléments de couleurs, de textures et d’expérience du lieu, reste assez méconnu bien qu’il emprunte la connaissance et les modes opératoires de différentes disciplines pour se nourrir et alimenter le savoir de l’autre.