Claire Azéma, Imagines, Université de Bordeaux
Notre présentation aborde le thème de la relation usager-designer au sein du projet et de son produit. Dans un premier temps, comparant le bînome production-consommation au bînome écriture-lecture (de Certeau, 1990), nous interrogeons la possibilité de l’existence d’un usager en projet. Tou d’abord, celui-ci apparaît soumis aux messages de la sphère de production et bien que développant des comportements créatifs dans son interprétation de l’objet, il n’est pas en projet. Dans un second temps, observant que les sphères de production et de consommation sont de plus en plus souvent appareillées à l’identique (Stiegler, 2006), le statut de l’usager peut évoluer vers un statut de producteur amateur. Dans cette seconde partie nous présentons différents cas d’usagers en projet rassemblés en trois types : le projet associatif d’usagers, le projet participatif et le projet dialogique. Chacun de ces trois type correspond à un déplacement des terrains du projet et de l’usage.
Usager, designer, intersubjectivité, projet, « bricolage »
Le thème du sujet dans le design interroge sur la place de l’individu concepteur, producteur, distributeur ou usager au sein de la chaîne de conception, réalisation, commercialisation et d’usage d’un produit.
Le sujet ne se réduit pas à l’individu, il comprend également la transindividualité qui permet de parler d’intersubjectivité à propos des relations qu’entretiennent les sujets en eux. Le sujet recentre donc notre attention sur la personne dans le domaine du design. Nous considérons d’emblée qu’il est plus intéressant d’envisager la question de la relation intersubjective au sein du design, comme une question fondamentale de la discipline. Nous pouvons évoquer brièvement 3 types d’intersubjectivité autour d’un produit de design. Tout d’abord, au niveau inter-usagers : les objets construisent, accompagnent et donnent un cadre à toutes les relations quotidiennes que nous entretenons avec les autres. L’objet y tient donc un rôle de médium, voire d’interface au sein de ces relations, le designer peut ainsi être considéré comme concepteur de média relationnels. Deuxièmement, au niveau de la relation designer-usager : l’objet médiateur entre deux sujets se présente comme un discours du designer vers l’usager et interroge la question du langage. Les questions de la réceptivité de l’information et des soumissions de l’usager aux messages dominants imposés par la société de consommation se présentent d’elles-mêmes. Enfin, le dernier type d’intersubjectivité concerne celle du projet lui-même. Dans cette phase de conception, lieu « propre » d’élaboration du produit, le designer entre en relation avec les autres acteurs du projet : commanditaire, fabricants, financiers, commerciaux, usagers. Ici, l’intersubjectivité implique la confrontation des points de vue de chaque spécialiste. Chaque acteur possédant ses outils d’analyse et d’exécution doit alors comprendre le point de vue de l’autre et l’intégrer au projet commun. L’enjeu est de taille.
Nous voyons rapidement que la question de l’intersubjectivité est intrinsèque au design et de ce point de vue, le produit semble devenir un élément secondaire du projet. Il nous semble plus particulièrement riche d’interroger l’intersubjectivité de la relation usager-designer existant au sein du projet et de son produit. Nous avons, depuis notre thèse, choisi de nous intéresser à la valeur créatrice de l’usage des objets ; nous souhaiterions aujourd’hui envisager la question d’un usager en projet. L’usager, consommateur et utilisateur du produit apparaît dans les schémas « classiques » du design comme le récepteur d’un produit fini, issu d’un processus de conception que l’on nomme projet de design. Le projet révèle une intention et une recherche, une élaboration de plans et de moyens pour la réaliser.
Peut-on aujourd’hui considérer dans le design un usager en projet ? Nous verrons que cette idée recoupe différents cas de figure propres au design contemporain. Quelles relations peut-on envisager entre un usager en projet et un designer en projet ? Leurs projets sont-ils similaires ? En quoi est-il souhaitable et réaliste pour le design actuel de penser un usager de ce type ?
La prédominance de la focale choisie nous conduira dans un premier temps à évoquer l’importance du langage dans le design. La maîtrise du langage culturel apparaît comme garante d’une bonne réception du produit par l’usager. Cette approche linguisitique sera l’occasion de comprendre qu’un usager entendu comme simple récepteur du produit, c’est-à-dire simple lecteur d’un message émis, ne peut constituer la voie d’un usager en projet, à moins que la lecture constitue un projet en soi. Quelle serait-alors la nature d’un usager en projet ? Nous tâcherons, dans un second temps, de donner des exemples observables d’usagers en projet, de montrer comment une telle réflexion conduit à envisager une dynamique de l’usager, ainsi qu’à repenser les terrains du projet et de l’usage.
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